Comment j’ai découvert que mon conjoint est dépendant à la pornographie et au sexe

Ame Blessée
7 min readJun 23, 2021

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Il y a un mois, mon mari m’a annoncé qu’il m’avait trompée avec une prostituée. C‘est ce qui a marqué le début de ma descente aux enfers.

Femme prostituée
Photo: Colourbox

Ce billet fait partie d’une série d’articles traitant de l’infidélité, de pornodépendance et d’addiction au sexe. Le premier sujet de cette série est la découverte de l’addiction de mon mari.

Comment j’ai découvert que j’étais la femme d’un accro au porno

Il y a maintenant un mois, mon mari m’a annoncé qu’il avait eu une relation sexuelle complète et non protégée avec une prostituée travaillant dans un salon de massage érotique. Il était en larmes. Il m’a dit que c’était la plus grosse erreur de sa vie, qu’il regrettait et qu’il m’aimait. Pour moi, c’était la stupéfaction la plus totale. Jamais je ne me serais attendue à une telle annonce de sa part.

Pendant qu’il me parlait, j’étais totalement détachée de mes émotions. Il me racontait ce qui s’était passé et moi je lui posais des questions mais en étant comme sortie de mon corps. C’était comme si nous parlions de choses qui sont arrivées à d’autres personnes que je ne connais pas. Je n’ai pas pleuré, je n’ai pas haussé le ton. Je n’étais ni fâchée ni triste. J’ai réagi avec un calme inquiétant, comme morte à l’intérieur. Ce n’est que le lendemain et les jours suivants que les émotions sont arrivées, en vagues successives de plus en plus fortes, et que j’ai pu pleurer.

Au fil des jours qui ont suivis, j’ai poursuivi le dialogue avec mon mari, je voulais comprendre ce qui s’était passé, pourquoi il avait fait ça et comment nous en étions arrivés là. Et c’est après un jour ou deux qu’il m’a dit qu’il pensait être dépendant à la pornographie. Il m’a fait lire le témoignage d’un pornodépendant et me disant qu’il se reconnaissait traits pour traits dans les mots de cet homme. Il m’a aussi avoué se masturber compulsivement plusieurs fois par semaine. Je savais qu’il avait déjà consommé de la porno à quelques reprises et je savais qu’il se masturbait de temps en temps. Je pensais à ce moment-là que c’était très anecdotique et ce n’est pas quelque chose qui me dérangeait profondément. Je me disais que tout les hommes font ça de temps en temps et je ne le voyais pas comme des micro-infidélité. Mais j’étais loin de me douter de l’ampleur réelle de sa consommation et des impacts concrets que cela avait sur notre couple. Je n’avais pas non plus compris à ce moment là que cela faisait parti d’un continuum qui l’a amené à consommer de la prostitution.

En fait, il a commencé sa consommation de porno au début de son adolescence, bien avant d’avoir sa première relation amoureuse, et il n’a jamais arrêté depuis, qu’il soit en couple ou non. Il m’a dit qu’il consommait de la porno de 3 à 4 fois par semaine. Il m’a dit qu’il était incapable de se masturber sans porno, qu’il ne pouvait pas maintenir une érection ou avoir un orgasme sans penser à des images pornographiques. Ce qui veut dire que depuis 15 ans que nous sommes ensemble, chaque fois que nous avons fait l’amour, il se passait des images porno dans sa tête. Pour moi, cela a été comme la révélation d’un autre adultère. Cette fois, j’ai pris la mesure de l’impact de cette addiction dans notre couple.

Mais je n’avais pas encore toute l’histoire. Le reste des révélations est venue environ deux semaines après. Il m’a dit avoir des pensées intrusives plusieurs fois par jour, tous les jours, concernant le sexe. Ce qu’il m’a décrit ressemble à un trouble obsessionnel-compulsif (TOC). Quand il ne consommait pas de porno, il planifiait ses prochaines séances, anticipait ses futures découvertes, regardait les profils des masseuses sur les sites web de massages érotiques. Il m’a dit que lorsqu’il rencontre une femme qu’il trouve jolie, il ne peut pas s’empêcher de l’imaginer seins nus (et oui, cela inclue toutes mes amies, les femmes de ma famille et ses collègues de travail féminines).

Comme un sentiment de fin du monde

J’ai commencé à écrire sur le sujet car c’est une des choses qui m’apaise le plus. À chaque révélation successive, je suis retournée à la case départ et je suis repassée par cette première phase de stupeur ou de déni à chaque fois. Je ne sais pas comment bien décrire cette impression d’être vidée de toute émotion et de calme détachement.

J’ai toujours pensé que si un jour j’étais trompée, que j’allais faire une grosse colère, jeter toutes les affaires de mon conjoint par la fenêtre et rompre illico presto. Mais ce n’est pas du tout ce que j’ai ressenti. Il m’a offert de s’en aller quelques jours pour me laisser un peu d’air pour réfléchir mais ce n’était pas du tout ça mon besoin. Après l’engourdissement initial, il me venait tout à coup des bouffées d’émotions intenses et à ce moment-là, je ressentais un très fort besoin qu’il soit là, surtout pour répondre à milles questions. Au début, il était un peu réticent car il voyait qu’en répondant avec honnêteté et franchise à mes questions, les réponses me faisaient du mal. Mais il a fini par réaliser que j’en avais absolument besoin pour comprendre et que les scénarios que j’avais dans ma tête étaient toujours bien pire que la vérité.

J’ai eu l’impression que, finalement, je ne connaissais pas du tout cet homme et que tout ce que nous avons vécu dans les 15 dernières années était une illusion, un mensonge. Dès le départ, je n’ai pas voulu que les enfants sachent que nous traversions une crise, sans savoir si nous allions divorcer ou non, et surtout pas pour quelle raison. Ils sont trop petits pour assimiler ce genre d’information qui ne peut que leur faire du mal. Alors, au début, je trouvais ça super lourd d’être en leur présence et de faire comme si tout allais bien. J’allais parfois me cacher pour pleurer quand le besoin était trop fort ou encore j’attendais avec impatience qu’ils partent pour l’école pour m’effondrer. Il m’a fallu plusieurs jours pour pouvoir à nouveau profiter des moments ou j’étais seule avec eux et me sentir ‘normale’, capable d’assumer mon rôle de mère.

J’ai fait beaucoup d’insomnie depuis un mois et quand je dors, mes nuits sont peuplées de cauchemars. Tous les jours, plusieurs fois par jours, je suis envahie des images glauques de l’adultère de mon mari, que je ne suis pas capable de chasser. Je me sentais dans un état d’hypervigilance, dans une espèce de fébrilité incontrôlable. J’avais d’énormes problèmes de concentration et j’avais toute la misère du monde à me concentrer pour mon travail. J’ai dû manquer plusieurs jours de travail car je me sentais trop démolie pour me présenter devant mes collègues ou pour faire avancer mes projets. Je ressens encore souvent une boule dans l’estomac et un sentiment diffus d’oppression dans la poitrine.

Je n’ai jamais ressentie de colère envers lui et encore moins envers elle (après tout cette femme, qui a la moitié de mon âge, est victime d’exploitation sexuelle de la part du crime organisé, elle n’est en rien responsable de la situation). Toute la colère que j’aurais dû diriger vers lui est partie à l’intérieur de moi. Toute la haine, le dégoût et la honte sont allés vers moi, même si je n’ai jamais désiré cela. Je me suis sentie sale, vieille, grosse, laide, dégoutante, faible, immorale. Au début, je n’étais pas capable d’avoir les idées claires quand à savoir si je devais partir ou rester. Puis, j’ai commencé à sentir au fond de moi que je l’aimais encore et que j’avais envie de pardonner. Mais je me sentais honteuse de vouloir pardonner, comme si je n’étais pas capable de me faire respecter, comme si j’avais une faiblesse de caractère ou que j’étais immorale de cautionner ce qu’il avait fait.

J’ai développé un profond dégout de mon corps, plus assez sexy pour exciter mon mari. Je me sentais très mal à l’idée qu’il me voit en maillot de bain, en shorts (et encore moins nue!) et je ne voulais surtout pas qu’il dorme avec moi dans notre chambre. J’ai presque arrêté de manger, j’avais toujours mal au cœur et mal à la tête. Quand je suis allée passer les tests de dépistage pour le covid-19 et pour les MTS, je me suis sentie tellement sale. Je commence à comprendre que ce sont là les symptômes d’un trauma profond. Au début, dès qu’il me touchait, même juste me prendre par la main, cela lançait automatiquement un cycle de pensées intrusives de sa relation extra-conjugale.

Je n’aurai jamais cru un jour me définir par les comportements sexuels de mon mari

Je suis une femme trompée, épouse d’un pornodépendant et sexolique. Tranquillement, cette réalité commence à s’ancrer dans ma tête et mon cœur. Mon époux a fait le choix de me tromper, ce n’est pas un accident, ce n’est pas arrivé par hasard. Plus je lis sur la dépendance au sexe et au porno, plus je revisite mes souvenirs des 15 dernières années et j’analyse ses comportements passés à travers ce prisme. Maintenant je peux faire les liens, ce qui était impossible à l’époque. Cela me permet d’expliquer tellement de choses que je ressentais vaguement comme étranges ou anormales mais que j’étais incapable de bien appréhender. Quand je le questionnais, il évitait la question ou blâmait le stress au travail.

Mais je comprends aussi que beaucoup de mes réactions, de mon ressenti venait d’un trauma auquel je réagissait sans le savoir. Sa dépendance faisait en sorte qu’il se détachait de plus en plus de moi, tant émotionnellement que physiquement. Il ne faisait plus aucun effort pour me séduire, ne me regardait plus, ne me proposait presque plus de faire l’amour, je devais souvent prendre l’initiative. Nos rapports étaient sans préliminaires, sans tendresse, je le sentais distant, détaché. Moins j’éprouvais de plaisir dans notre sexualité, plus ma libido déclinait et plus celle-ci déclinait, plus il me reprochait que nos rapports ne soient pas assez fréquents et pas assez intenses. J’avais l’impression de donner sans jamais recevoir, je vivais du ressentiment face à son désintérêt envers moi. Et plus je m’éloignait, plus il se réfugiait dans la porno, creusant d’avantage le fossé entre nous.

Je commence à peine à comprendre ce qui nous est arrivé et je vois que le chemin pour reconstruire notre couple sera très long et difficile. Nous avons décidé de consulter, chacun de notre côté, un sexologue pour nous aider à faire le point et nous reconstruire comme individus d’abord et puis, je l’espère, comme couple.

Lettre d’un homme infidèle à sa femme

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Pensées et réflexions d’une conjointe de sexolique

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